retour au menu La Gloire et la Rivière
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La CIMADE a transmis ce témoignage anonyme au Réseau Education Sans Frontière. Je le mets en ligne. Plus tard je vois que d'autres ont eu le même réflexe... C'est bien... C'est cohérent avec la volonté de l'auteur : « Témoigner… Témoigner jusqu’à ce que la sidération se répande et que les foules se lèvent »

Monsieur N, retenu numéro 472/09 est étendu là, devant moi, dans le 
bureau de la Cimade du centre de rétention de S…
Dehors, un gamin court pour rejoindre ses copains sur le terrain de 
foot : l’entraînement commence à 17 heures et il est en retard.
Dehors, une mère de famille, cinq enfants en orbite, rentre des 
courses. Sa petite fredonne la Marseillaise comme elle fredonnerait 
une comptine. La mère agacée lui dit : «Fatou, arrête de chanter ça. » 
Et la petite de répondre : « Mais maman, c’est une nouvelle chanson 
que la maîtresse nous a apprise ce matin… »
Dehors, l’eau de la rivière gambade inlassablement dans son lit de boue.
Monsieur N est au centre de rétention depuis de longues semaines déjà. 
Il aura peut-être été le vingt-millième sans-papiers interpellé de 
l’année. Un petit poisson dans le Pacifique. Inquiet dès le premier 
jour, il a demandé à me voir tous les matins. Chaque jour, il a eu 
besoin d’une nouvelle idée, d’un nouvel espoir pour se tenir debout. 
Chaque jour, devaient germer en lui de nouveaux mécanismes de défense, 
de nouvelles questions : « Madame, si je fais appel de la décision du 
tribunal, je vais pouvoir sortir ? », « Je pense que je veux faire 
réexaminer ma situation par l’OFPRA », « Madame, ça n’est pas normal 
que je sois ici, je suis un vrai réfugié, ma situation doit être 
entendue ».
Bien sûr, il m’est arrivé de lui répondre que je ne pouvais pas le 
recevoir parce que d’autres urgences m’occupaient. « Tous les jours, 
ça n’est pas possible, non, ça ne sera pas possible ». Dans son regard 
alors, toujours la même question : qu’y a-t-il de plus urgent que ma 
vie ? À chaque entretien il se présentait le poing serré sur son PV 
d’interpellation et sur sa peur.
Ce mardi-là, la greffière, rangers aux pieds et équipement de rigueur 
à sa taille de guêpe, galope à travers le couloir, escalade les 
marches qui mènent à la zone de vie des retenus : elle vient annoncer 
à monsieur N que le consulat a délivré un laissez-passer sans même le 
rencontrer et qu’il prendra son avion dans deux jours. Elle pousse la 
lourde porte qui retombe aussitôt comme un marteau sur une enclume. 
Même la porte prévient au mieux toute fuite, tout déplacement sans 
autorisation, sans clé, sans escorte. La greffière crie : « Monsieur 
N ! ». Pas de réponse. « Monsieur N vous êtes où ? Oh ho ! ». Elle lui 
annonce la bonne nouvelle et s’en va.
Il est 9 h 32. Monsieur N se tient debout au milieu de la cour de 
quelques mètres carrés, entourée de murs desquels même la laine de 
verre tente de s’échapper. Au-dessus de sa tête, un filet de sécurité 
le sécurise. Dans les angles, des caméras de sécurité le sécurisent et 
sont les témoins du coup qu’il vient d’encaisser. Dans deux jours, le 
contribuable français y mettra de sa poche pour l’envoyer chialer 
ailleurs.
À 9 h 33, monsieur N demande à voir la Cimade. Je suis occupée. Il 
demande encore à 9 h 40, à 10 h 30, à 11 h 43. À 13 heures, il 
téléphone sur mon portable d’urgence.
Lorsqu’il avait fallu l’aider à rédiger sa demande d’asile, il avait 
eu la même fébrilité. Il avait cherché au grenier de sa mémoire tout 
ce que, jusque là, il avait voulu effacer et fuir. Ses mots sous ma 
main, j’en sentais physiquement la brûlure. Mère assassinée. Père 
assassiné. Lui, emprisonné. Son torse ébouillanté. Sa peau presque 
blanche sous son tee-shirt. Il avait parlé par nécessité, tentant 
vaillamment de dépasser le bégayement qui surgissait à chaque fois 
qu’il repensait à ce « avant », bégayement qui révélait son désir de 
parler plus vite que la peur du souvenir.
Dans l’après-midi, je le reçois. Recevoir est un terme qui prend ici 
tout son sens. Je regarde le listing du jour : 27 noms, 27 visages 
pris en photo par le flic de l’accueil. À côté du sien, je lis « 
Roissy : 11 h 30 ». Je suis calme. Je sais que monsieur N est un homme 
posé. Il a cette douceur ronde qui lui vient sans doute de sa mère 
rwandaise. Il a beau mesurer près de deux mètres et peser au moins 120 
kilos, il donne le sentiment de pouvoir tenir un oiseau dans ses mains 
sans l’effrayer. Pas un crescendo dans son expression, chaque mot 
équivalent à l’autre : Bach ressuscité.
Nous parlons près d’une demi-heure. Il n’y a plus rien à faire. Toutes 
les voies juridiques ont été explorées. Tout a été rejeté : les 
appels, les courriers, la demande d’asile. Le genre de situation où 
l’on se dit qu’avec ou sans droit, le résultat reste invariable. Son 
corps imposant n’entre pas dans le cadre du droit, semble-t-il.
J’ai la lourde tâche de lui expliquer une fois encore que son recours 
auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile n’empêchera pas son 
expulsion. Il ne refuse pas de le comprendre : il en est incapable. 
Autant lui demander de condamner l’espoir. « Ça n’est pas normal 
d’être envoyé à la mort avant d’avoir obtenu une réponse. Vous en 
convenez avec moi madame, ça n’est pas correct ? ». J’en conviens de 
toute mon âme et cela ne sert rien d’autre que mon confort intellectuel.
Je pousse la porte d’un monde schizophrénique et me mets à lui 
expliquer les conséquences possibles du délit qu’il va devoir 
commettre, puisque sa volonté ira « jusqu’à mourir plutôt que de se 
retrouver au Congo ». Il me semble que tout intervenant en rétention, 
dans ces instants pénibles, prend la pleine mesure de ses convictions 
et de la force qu’elles lui confèrent. Je lui dis : « Ils vous 
emmèneront sur le tarmac », « Il faut attendre que les passagers 
entrent dans l’avion pour vous mettre à crier et à vous débattre ». Je 
lui dis « Cela peut aussi se passer sans heurt, un simple refus verbal 
et la police vous ramènera au centre ». Il demande s’il sera menotté, 
frappé, si sa dignité sera respectée. Il demande sans demander : il ne 
réfléchit plus.
À mesure que je lui parle, son comportement devient étrange, il ferme 
les yeux et lève ses bras comme s’il s’étirait, fait craquer les os de 
son cou. Je ne comprends pas tout de suite ce qui lui arrive. Je 
l’appelle : « Monsieur N, vous m’entendez ? Monsieur N ? ». Il ne 
répond pas. Il ne m’entend apparemment plus. Je suppose qu’il va se 
mettre à pleurer ou qu’il peut éventuellement se mettre en colère : je 
suis prête à cela. La veille encore, monsieur C s’était écroulé, 
surnageant à peine dans un lac de larmes brûlantes.
Soudain, tous ses membres se mettent à trembler. Des spasmes d’une 
violence pour moi inédite le traversent sans qu’il ne puisse 
visiblement les contrôler. Il tombe de sa chaise et s’écroule sur le 
sol. Il se retrouve à terre et se tord dans des mouvements saccadés, 
il hurle entre râles et sanglots. J’ai un mouvement de recul, je sais 
qu’il ne me fera pas de mal, mais je vois bien que la terreur le 
domine bien plus que son esprit ne peut le faire, qu’il est 
complètement dépassé. Ses pieds se prennent dans les fils de 
l’ordinateur, sa tête cogne le sol, ses bras claquent contre le mur, 
sa respiration est de plus en plus forte et s’accélère. J’ai même 
l’impression qu’elle pourrait s’arrêter tellement il semble suffoquer 
et épuiser tout son souffle, tous ses muscles.
Monsieur N, retenu numéro 472/09, est étendu là, devant moi, dans le 
bureau de la Cimade du centre de rétention de S…
Le policier qui l’a accompagné dans le bureau, et qui attend derrière 
la porte, entre et me demande ce qui se passe. À voir son visage 
épouvanté, je comprends l’ampleur de la situation. Il se rue sur mon 
téléphone interne, appelle la brigade à l’aide. Il appelle le greffe, 
le chef de centre adjoint. S’il pouvait, il appellerait sa propre 
mère. Très vite, le bureau est envahi. Monsieur N est au sol, toujours 
secoué de spasmes, des cris insensés s’échappant des profondeurs de 
son histoire plus que de sa gorge, quatre policiers sont autour de 
lui. La greffière appelle immédiatement les pompiers.
Je ne sais pas quoi faire de moi-même. Je ne veux pas assister à cela. 
Je ne veux pas le regarder à terre, tordu comme une chenille, nu comme 
un ver, nu dans sa dignité. Je ne veux pas non plus le laisser seul 
avec eux. Ma présence empêchera leur débordement éventuel. Alors je 
reste là, adossée au mur. De temps en temps, j’essaye de lui parler, 
je m’approche de lui, je pose ma main sur son épaule, je lui frotte le 
dos… « Monsieur N, c’est moi, vous m’entendez ? ». C’est inutile. 
J’essaye de penser à ce qui doit me protéger, parce que je suis en 
train de glisser sur une pente dangereuse, je me demande ce que j’ai 
dit et qui a pu déclencher sa crise, comme si j’en étais responsable. 
Mais je dois me retirer, c’est à ceux qui l’enferment d’assumer.
Les pompiers arrivent en quelques minutes à peine. Ils ont l’habitude 
de venir au centre de rétention. Ils connaissent les lieux. Ils sont 
trois. Une femme et deux hommes. La femme dit n’avoir jamais vu ça de 
sa vie, elle réfléchit et passe en revue ses cours de secourisme : « 
Ce n’est pas de l’épilepsie, ce n’est pas de l’asthme… ». Certes non. 
C’est de la terreur. C ’est ce qui se produit quand on inflige à un 
Homme une chose qu’il ne peut humainement pas porter, même en 
mobilisant tout ce qui fait de lui un Homme.
Je sors du bureau. Je suis en mouvement permanent. Je marche de long 
en large. Ma seule fonction est d’être là, mes yeux et mes oreilles en 
parfait éveil. L’un des pompiers prend le téléphone et décide 
d’appeler le médecin de garde. Le standard de l’hôpital le met en 
attente. Soucieux de ne pas délaisser ses collègues qui essayent tant 
bien que mal de maîtriser monsieur N, il branche le haut-parleur du 
téléphone pour libérer ses mains et pose le combiné sur le bureau. A 
lieu alors l’instant le plus inhumain qu’il m’ait été donné de vivre 
au centre de rétention : le haut-parleur crache une musique d’attente. 
Pendant que quatre policiers et trois pompiers sont penchés sur 
monsieur N qui hurle à la mort, les yeux révulsés, les tempes trempées 
de sueurs, les membres écartelés, résonne dans le bureau … la petite 
musique de nuit de Mozart.
Je suis assise sur la chaise qui se trouve à la sortie du bureau, 
réservée habituellement au policier qui attend les retenus qui sont en 
entretien avec moi. Mille choses me traversent l’esprit. La crise de 
monsieur N dure depuis déjà quinze minutes. Quinze gigantesques 
minutes.. Ma pensée se dilue dans l’atmosphère : retiens bien tout ce 
qui se passe pour en témoigner dans le détail. Pour en témoigner 
jusqu’à ce que la sidération se répande et que les foules se lèvent. 
Je me dis que l’administration m’a volé Mozart pour toujours et que je 
ne pourrai jamais plus écouter cette foutue musique sans entendre les 
hurlements déchirants de monsieur N.
À côté de moi, l’un des policiers se tient debout, le teint rouge et 
bouillonnant de remise en question. Il a le visage qu’ont les gens aux 
enterrements, ou à l’église pendant la Sainte Cène. Oui, cela me 
rappelle la mine recueillie et incompréhensible qu’avaient les adultes 
que je voyais, petite, se tenir en cercle autour de la table pour 
manger gravement ce morceau de pain qui, au fond, n’était rien d’autre 
qu’un simple morceau de pain. Il doit sans doute se dire que son 
métier de flic n’est pas marrant tous les jours mais qu’il faut bien 
en passer par là. Je me demande quelle est la raison – la raison 
sérieuse et valable – pour laquelle il faut en passer par là. Mais que 
pouvons-nous attendre de lui ? Qu’il ouvre les portes du centre et 
laisse filer monsieur N ? Allons, allons… aucune décision ne lui 
appartient, c’est ce qui le protège.
Les pompiers sont toujours en train d’essayer de calmer monsieur N. 
L’un d’eux me demande son prénom. Peut-être, me dit-il, qu’il a besoin 
de familiarité.
"La Gloire. Il s’appelle La Gloire", lui réponds-je. Je crois bien que 
cela provoque un léger rire chez les policiers. Tout léger. Juste une 
petite bouffée d’air expectorée sans penser à mal. Convenons qu’aucun 
auteur n’aurait inventé de nom plus à propos.
Dehors, le gamin tire au but et marque. Ses copains se jettent sur lui 
et le congratulent.
Dehors, une vieille dame promène son chien, qui pisse généreusement 
sur les grilles du centre de rétention. « Allez viens, Fifi, on rentre 
à la maison. Fifi ! Viens ici, tu vas nous faire avoir des ennuis ! ».
Dedans, sur un fond de Mozart, la greffière lance calmement : « La 
Gloire, vous m’entendez, La Gloire ? C’est pas la peine de faire ce 
cinéma, vous le prendrez de toute façon, votre avion ! Allez, allez, 
calmez-vous La Gloire, c’est pas comme ça que vous y arriverez ». Il 
est toujours à terre, roué de coups par l’invisible main de la peur. 
Lagreffière attrape une bouteille d’eau, mouille sa main et passe le 
dos de ses doigts sur la joue du comédien. Son geste est presque 
tendre. Je ne sais plus où je suis : entre son geste et ses paroles, 
il y a pourtant des mondes, des gouffres, mais elle semble n’en pas 
faire grand cas. Son geste s’apparente à la pataphysique. On dirait 
une insulte. Je voudrais qu’elle ne le touche pas comme ça.
Au bout d’une demi-heure d’horreur, une accalmie du rythme cardiaque 
de monsieur N permet aux pompiers de le faire lever et de le porter 
jusqu’au camion qui l’amènera à l’hôpital de P… Trente minutes. Un 
demi-cercle de silence. Il parvient à se tenir debout et marche aussi 
lentement qu’un homme qui sortirait des décombres de sa maison 
écroulée après un tremblement de terre. Quatre hommes en bleu le 
soutiennent par la taille, les coudes, les épaules. Impossible de dire 
s’il respire ou s’il crie : son souffle puissant ouvrirait les portes 
du centre si le policier ne le faisait pas en passant devant l’étrange 
cortège. « Attendez, je vous ouvre. Allez-y, passez… allez-y, c’est 
bon, je tiens la porte ».
La greffière vient vers moi : « Ça va ? ». Je hausse les épaules et 
lui fais une grimace signifiant : « Qu’est-ce que je peux vous 
répondre là, hein ? » Je trouve moyennement opportun qu’elle s’adresse 
à moi, mais ma relation avec les policiers du centre est pour ainsi 
dire l’un de mes outils de travail : je ne peux la mettre en jeu. Elle 
me dit : « C’est du cinéma de toute façon, vous savez, j’ai 
l’habitude… ». Je la coupe tout net en allant attraper les clés du sas 
de sécurité pour sortir à l’air libre. En longeant le couloir, je me 
dis que, cinéma ou pas, cet homme est à terre sans plus aucune 
dignité. Je ne veux même pas réfléchir à cela, je ne vois aucune 
raison d’y penser. J’ouvre les portes une à une et me trouve nez à nez 
avec le chef de centre adjoint.
Il a déjà quitté son uniforme, il est 18 heures. Petit fonctionnaire. 
Il a l’air un peu agacé, un peu fatigué, mais montre tout de même, par 
une grimace puante, qu’il est bien désolé. Pour détendre l’atmosphère, 
il se lance : « Alors, qu’est-ce que vous lui avez dit pour qu’il se 
retrouve dans cet état-là ? Hahahah, je blague, hein… ne vous 
inquiétez pas ». La greffière nous rejoint. Le chef adjoint demande : 
« Qui c’est qui lui a dit qu’il avait un vol ? Pffff… ». La 
problématique principale reste celle-ci : une escorte de police, pour 
emmener monsieur N à l’hôpital, représente des effectifs en moins pour 
les déplacements des autres retenus le lendemain matin ; or… le 
lendemain doivent avoir lieu des embarquements, des déplacements au 
consulat, au tribunal de grande instance. Il faut bien trouver une 
solution pour que la machine tourne.
Dans le silence de mon âme, je leur suggère de s’en référer au travail 
de monsieur Eichmann, administrateur des transports de son état, qui 
leur aurait trouvé un moyen efficace pour optimiser la cadence. Ces 
flics ont révoqué leur conscience depuis des années déjà. La solution 
est finalement trouvée : la greffière va téléphoner au commissariat 
pour demander des renforts. Joie !
Je retourne dans mon bureau, sonnée par la démesure de l’assaut. Clés, 
portes, sas, caméras, couloir. Je me tiens debout au milieu de ce qui 
ressemble à un champ de bataille. Les chaises sont retournées, les 
câbles de l’ordinateur sont arrachés. En allant remettre les chaises 
debout, je glisse sur la sueur de monsieur N. J’attrape ma veste et 
m’extrais de cet entrepôt si bien gardé.
Dehors le soleil rayonne d’une navrante indifférence. Je croise un 
gamin qui rentre de son entraînement de foot. Sa mère est venue le 
chercher. « C’était bien ? T’as marqué des buts ? ». Je presse le pas 
vers la boulangerie, il restera sûrement du pain.
La nuit, génie de l’enfouissement, tente courageusement de ranger les 
images du jour dans quelques soubassements de mon cerveau. Un cri dans 
le placard de mon enfance, celui de la buanderie où ma mère rangeait 
les vieux morceaux de tissus peut-être. Les regards indéchiffrables 
des policiers dans un beau paysage, Mombasa 2003 en famille, au milieu 
des couleurs du marché, ils passeront sans doute inaperçus. La nuit 
range, le silence prépare ; jusqu’à ce que l’on puisse parler.
Le lendemain, le jour est encore jeune quand je m’enquiers de la santé 
de monsieur N auprès du greffe. On m’informe qu’il n’a passé qu’une 
heure à l’hôpital et a été ramené au centre aussitôt. Le médecin lui a 
généreusement fourni un doliprane et lui a rédigé un certificat 
médical sur lequel trônaient ces mots indéfinis : « Choc émotionnel ».
ÉPILOGUE Comme prévu, le surlendemain, monsieur N, retenu numéro 472/09, a été 
emmené à l’aéroport, a refusé d’embarquer. Il a été ramené au centre 
de rétention. Quelques jours plus tard, il a à nouveau été emmené à 
l’aéroport, mais cette fois, les policiers ne l’ont pas informé à 
l’avance de leur projet. À 7 heures du matin, ils sont entrés dans sa 
chambre : « Prépare tes affaires, tu pars à l’aéroport ».
À 7 h 25, il a laissé un message sur le répondeur du portable 
d’urgence de la Cimade : « Bonjour madame, c’est N La Gloire. Je 
voulais vous informer du fait qu’à ma grande surprise, et bien que mon 
dossier soit en cours d’examen à la Cour Nationale du Droit d’Asile, 
les agents de police du centre sont en train de m’emmener à 
l’aéroport… C’est la raison pour laquelle je vous appelle à l’aide. 
Merci de me rappeler. »
Avec un peu plus de temps, il aurait ajouté « Salutations 
respectueuses ».
Il a à nouveau refusé d’embarquer. Avec son corps et de tout son être. 
Chaque refus donne un effet, disait le poète. Les passagers de 
l’avion, choqués de ses cris et de sa situation ont refusé de 
s’asseoir sur leurs sièges, ont fait une quête et lui ont remis la 
somme de 1 400 euros. Ainsi, c’est les poches remplies de billets 
qu’il a été déféré à Bobigny, où le juge a décidé de ne pas l’envoyer 
en prison mais lui a donné une peine d’interdiction du territoire 
français d’une durée d’un an.
La loi l’a fait devenir ce qu’il n’est pas : un délinquant, un 
condamné. Un interdit.
Quelques heures plus tard, il téléphonait pour s’informer des 
possibles suites à donner à son affaire. « En urgence, madame. »
Dehors, l’eau de la rivière gambade inlassablement dans son lit de boue.
Suggestion Quelqu'un ne se sentirait pas de suggérer à notre Président Néanderthalien de faire lire ce texte dans les écoles ... Lors d'une "Journée de la Conscience Humaine Universelle" ... par exemple ... ça pourrait donner lieu à toutes sortes de débats, sur les origines, les Colonies, l'esclavage, les colonats partiaires, le pétrole et les diamants ? ... les bases quoi ...
C'est encore trop tôt ? ... Nous sommes en avance ? ... Oui, c'est probablement ça ...

En attendant le psy que je suis s'interroge : "Un an d'interdiction de séjour sur le territoire français" ... ça laisse sans voix ...
On suppose que cette condamnation est la sanction d'un "trouble à l'ordre public" ...
Il semble pourtant que les passagers du vol aient considéré que le trouble à l'ordre public provenait plutôt des "forces de l'ordre" ...
A tous les étages de la "Force publique", il plane de plus en plus une folie qui finit par ne plus faire rire ...
Aucun médicament ne peut en venir à bout ...

Le remède ?

Lire, apprendre, réfléchir, comprendre, débattre, ... et voter !

Prendre aussi exemple sur les passagers de ce vol : se rassembler et agir de concert, ... résister !